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Aider les sociétés à célébrer la diversité

Un entretien avec Meredith Preston McGhie, secrétaire générale du Centre mondial du pluralisme

Par
Alia Dharssi
Published September 30, 2020
Mme Meredith Preston McGhie prononce le discours d’ouverture à la cérémonie du Prix mondial du pluralisme à Ottawa en novembre 2019. Crédit : Mo Govindji.

Avant de devenir la secrétaire générale du Centre mondial du pluralisme en 2019, Meredith Preston McGhie s’est consacrée à lutter contre les conflits et l’instabilité en Asie et en Afrique. Pendant plus de deux décennies, elle a contribué à négocier des traités de paix et à mettre au point des politiques pour résoudre des conflits dans des régions allant du Kosovo, au nord de l’Iraq et au Soudan.

Toutes ces régions ont vécu des conflits alimentés par des divisions sociales, un problème qu’elle décrit comme le plus grave problème sur la planète. « Nous échouons constamment à composer avec nos différences », explique Mme McGhie. Son expérience lui a laissé la volonté de résoudre les fractures sociales qui mènent à des conflits en utilisant un éventail d’outils plus étendu que la médiation et les efforts de rétablissement de la paix.

« Un traité de paix est élément fondamental pour qu’une société retrouve sa cohésion et puisse surmonter ses différences efficacement, mais ce n’est qu’un petit morceau », dit Mme McGhie. Elle affirme que son rôle au sein du Centre mondial du pluralisme est son emploi de rêve, parce que le mandat du Centre est vaste.

« Nous pouvons observer les fondements sociaux de la diversité et pousser plus loin le pluralisme dans un pays comme le Canada autant que dans le Sud-Soudan », affirme-t-elle. « Et nous avons la capacité d’observer cela selon différentes perspectives, de l’éducation à un processus de paix aux conseils sur la façon d’établir une économie inclusive ou comprendre les divisions dans le monde virtuel. »

La rédactrice en chef du magazine The Ismaili Canada, Alia Dharssi, s’est entretenue avec Mme McGhie, sur ce qu’elle a appris en première ligne de la résolution des conflits et de ses aspirations pour le Centre mondial du pluralisme. L’entrevue a été modifiée par souci de concision et de clarté.

Dites-moi pourquoi nous avons besoin d’outils en plus du rétablissement de la paix, pour résoudre les conflits. Pouvez-vous partager un exemple de votre carrière?

Meredith Preston McGhie : Le Kenya offre un exemple intéressant. En 2007, certaines communautés en sont venues à penser qu’elles ont été mises hors circuit des jeux politiques à plusieurs reprises pendant des générations en raison de la violence qui a marqué les élections et la suite de celles-ci. Même si nous sommes parvenus à une solution—j’étais la conseillère de [l’ancien secrétaire général des Nations unies] Kofi Annan au cours de ces pourparlers et j’ai contribué à rédiger des accords—nous n’avons pas réussi à régler des problèmes de longue date. J’avais l’habitude de dire à M. Annan que nous remettions le bouchon sur la bouteille. Ce bouchon n’a pas tenu le coup avec toute la tension et toutes les inégalités au Kenya. Nous avons remis le bouchon, mais les problèmes fondamentaux qui ont mené à une augmentation de la pression à l’intérieur de la bouteille, n'avaient pas disparu.

Le processus de paix a examiné la question de façon holistique. Des changements constitutionnels et des règlements politiques ont été tentés, ainsi qu’une réconciliation et un processus de vérité et justice. Mais, il existe une trame sous-jacente sur la façon dont une société aborde la question de la différence qui échappe à un accord de paix, la façon dont l’histoire nationale est enseignée dans les écoles, les histoires du pays qui sont transmises au sein des familles.

J’ai toujours pensé que la façon de résoudre des problèmes de cette nature dans un pays comme le Kenya passait par l’éducation. Il faut repenser comment nous interagissons les uns avec les autres en société. Cela nécessite une conversation différente sur ce que cela signifie d’appartenir, d’être Kenyane ou Kenyan. Cela ne veut pas dire que l’éducation prime sur la résolution des conflits. Toutes les pièces du casse-tête sont requises.

Mme McGhie à Maiduguri, Nigeria, en route pour participer à une réunion avec les intervenants dans le but d’établir la paix dans le nord-est du Nigeria en 2016. Crédit : Centre pour le dialogue humanitaire.

Pourriez-vous nous donner des exemples de pluralisme qui vous inspirent?

M. P. M. : L’un de nos lauréats l’an dernier, un réseau d’enseignants d’histoire dans les Balkans nommé Learning history that is not yet history, m’a inspiré. Il s’agit d’un groupe d’enseignants de différents pays des Balkans qui pensaient qu’il fallait enseigner différents points de vue historiques sur les conflits de cette région. La façon dont l’histoire était enseignée incitait les gens à la haine et les portait à se craindre les uns les autres. Alors ils sont allés dans les archives historiques et ont développé des ressources qu'ils partagent en ligne. Ce sont des citoyens ordinaires qui ont décidé de transformer une situation qu’ils estimaient injuste, plutôt que d’attendre que quelqu’un d’autre agisse.

Des initiatives de ce genre m’inspirent. Il y a quelque chose d’héroïque dans le choix quotidien de tendre la main à l’autre, pour une communauté canadienne de parrainer une famille de réfugiés inconnue pour qu’elle puisse s’établir au Canada, de se lever le matin et de voir quelque chose qui vous semble injuste et de se dire « Je suis un citoyen de ce pays. Je peux agir ».

Mme McGhie dirige une table ronde au Centre mondial du pluralisme en mars 2020. Crédit : Patrick Doyle/Centre mondial du pluralisme.

Qu’espérez-vous accomplir pendant votre mandat à titre de secrétaire générale? 

M. P. M. : L’une de mes priorités consiste à aider le personnel à pousser encore plus loin l’excellent travail qu’il fait déjà. Nous mettons au point l’Indice mondial du pluralisme qui mesure le succès d’une société à gérer la diversité. Nous espérons que les sociétés du monde entier, y compris le Canada, l’utiliseront pour évaluer leurs réussites et trouver les moyens de s’améliorer. Vous pourriez également l’envisager comme un repère pour un pays qui se remet d’un conflit, comme l’Afghanistan, pour constater le développement de la société par l’intermédiaire d’un processus de paix en dressant un bilan de la situation tous les deux ans.

Nous développons également des ressources et des outils de perfectionnement professionnel à l’intention des enseignants du monde entier pour qu’ils enseignent dans un esprit de pluralisme. Nous voulons aider les enseignants qui ne savent pas comment créer l’espace dans leur salle de classe pour aborder les questions de diversité ou remettre en question le discours dans les manuels d’histoire. Nous aimerions utiliser la technologie pour toucher le plus grand nombre de personnes possible. Nous pourrions développer un cours de perfectionnement professionnel qui permettrait de réunir les enseignants du Canada, de l’Allemagne, du Kenya et de l’Inde au moyen d’outils de soutien entre les pairs.

Deuxièmement, je veux aider le Centre à prendre ses marques dans de nouvelles régions. Nous pourrions examiner comment les villes composent avec la diversité. Soixante-dix pour cent de la population mondiale vit dans des villes. Comment pouvons-nous aider les villes à devenir des lieux plus inclusifs, même si l’espace national ne l’est pas dans certains endroits? De plus, un des dangers que nous affrontons est que l’espace en ligne nous divise souvent, au lieu de nous unir. Nous tentons de réfléchir aux façons de changer les choses.

Finalement, je veux que le Centre serve de maître à penser et éclaire les discussions sur la diversité afin d’aider les gens à réfléchir de façon constructive à des sujets difficiles à aborder. Une conversation qui crée un malaise est un outil d’apprentissage précieux. Cette expérience peut être transformatrice.

 

Cet article a été publié à l'origine dans le numéro d’été 2020 de The Ismaili Canada.

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